Ce qui est arrivé à Jules (renommé Marc à sa demande) a fait le tour du réseau en ce début d’année 2009. Rappelons pour mémoire que cet internaute semblable à bien d’autres, on le suppose, a pu prendre connaissance de son histoire personnelle dans un article de la revue le Tigre. Cette histoire, reliait ses voyages, ses hobbies, ses amis, ses petites amies, ses soirées ainsi qu’une foule d’autres détails. A qui les avait-il confiés ? Comme beaucoup, il avait dispersé ici quelques photos, là un billet de blog, ailleurs déposé une vidéo, peut-être un peu twitté, accepté des ami(es) sur Facebook, lesquel(le)s parlaient aussi de lui, etc…
Ce travail du Tigre a le mérite de matérialiser ce que nous savons ou devrions tous savoir. Toutes ces traces que nous laissons sur le réseau, traces involontairement volontaires si l’on peut dire, permettent à un curieux perspicace, aidé par des moteurs aggrégateurs de traces, de nous profiler et de se raconter notre histoire, en tous cas une histoire ; et celle de Jules illustre parfaitement la confusion des espaces privés et publics et le rétrécissement des espaces réellement intimes, ce que nous avons à prendre en compte particulièrement dans les réseaux sociaux.
Si l’on ajoute à ces traces numériques celles que l’on laisse sur les réseaux téléphoniques (voir ici), de paiement ou de circulation, il y a lieu de penser que, si le panopticon numérique est à portée de technologie, il est aussi à portée de volonté. Dans beaucoup de pays, des organismes type CNIL veillent, ce qui n’empêche pas son président Alex Turk de s’inquiéter régulièrement ; des internautes aussi, il n’y a qu’à voir leurs réactions à certaines initiatives de Facebook. De même, des artistes du numérique alertent régulièrement l’opinion par leurs réalisations critiques ; ainsi le projet RG2012 de David Guez. Il consiste en un moteur de recherche sur réseaux sociaux qui a pour objet de redécouper des listes de personnes inscrites sur Facebook selon des critères affichés sur les profils. Il ne reste qu’à croiser ces critères, géographiques, sociologiques, religieux, sexuels…. pour obtenir des listes de personnes. Celles-ci sont alors incluses dans une fiction dans laquelle elles deviennent malgré elles acteurs ou victimes en se retrouvant impliquées dans une fiction catastrophiste ou simplement dans des listes ou des photos affichées au mur ou encore marchandisées sur un mug. Cela est sensé conduire tous ceux qui ne perçoivent ou ne prennent pas en compte la perte de limites public/privé dans le réseau à bien réfléchir à ce qu’ils acceptent d’y dévoiler.