Un petit billet relatif à une expertise (pdf joint en fin de billet) que j’ai réalisée récemment sur un site qui me semble dire beaucoup sur le champ des possibles ouvert en matière d’écriture et de lecture par le lien hypermédia…
Création ayant reçu le prix des gens de lettre en 2002, Le site desordre.net de Philippe de Jonckheere et Julien Kirch est un très intéressant exemple d’écriture hypermédia construit de façon à confronter le visiteur à un certain désordre annoncé et illustré dès la page d’accueil. Dans ce but, les auteurs ont utilisé un certain nombre de procédés qui ôtent les repères, créent l’impression de désordre et donnent à l’internaute la sensation d’être dans une sorte de labyrinthe non fini et infini dont il ne peut saisir le plan ni les contours. Une autre force des auteurs est de proposer des mises à jour et des évolutions en permanence, donc d’assurer la pérennité du site depuis six ans. En restant maîtres du contenu et de l’organisation, ils contrôlent leur univers et donc l’internaute qui s’y aventure.
Le parcours est chaotique sans cohérence à priori. Il se déroule d’un lien à l’autre sans qu’on puisse saisir vraiment la structure du site. L’internaute a donc toutes les raisons de se perdre et même de renoncer. Une réussite de ce site est de réussir à le conserver et à l’intéresser. L’intentionnalité de l’artiste est soutenue par une stratégie cohérente, ce qui permet sa perception par l’internaute. La frustration de ne pouvoir tout voir, la sensation qu’il y a encore des choses à voir, l’aspect ludique et renouvelé des parcours possibles suscite la curiosité. La qualité généralement bonne des médias soutient l’intérêt, mais c’est la structure et la navigation qui prennent le dessus sur le contenu. L’implication personnelle de P. de Jonckheere et la fonction expressive de sa communication peuvent susciter une certaine sympathie à condition bien sûr d’accepter de s’immerger dans son univers.
Dans son site, De Jonckheere n’a pas poussé le vice jusqu’à supprimer toute possibilité de navigation raisonnée. La page d’accueil a été conservée comme page repère stable, en quelque sorte le point de départ et de retour. Le repérage des zones interactives a été conservé. En effet, le but n’est pas de paralyser l’internaute mais de faciliter son parcours dans le labyrinthe pour qu’il s’y perde. Cependant les menus présents sur la page d’accueil peuvent apparaître comme une facilité. Les entrées par n’importe quel point du plan ne correspondraient-elles pas mieux à la structure d’un réseau ?
A chaque internaute correspond un parcours parmi d’innombrables entrées, une quasi-infinité de liens et de lectures possibles. Ainsi, la lecture d’un site de cette ampleur est différente selon l’internaute et selon le moment. Faire deux fois le même parcours est quasi impossible. On peut penser que comme dans beaucoup d’oeuvres numériques le visiteur est acteur mais aussi créateur de par ses choix. Il serait peut-être intéressant d’aller au delà de la simple navigation interactive proposée par le site actuel et de créer dans le site un espace où le visiteur puisse contaminer le site par ses apports. On passerait ainsi à un degré supérieur de connection et d’ouverture.
Téléchargez ici l’expertise du site www.desordre.net au format .pdf
Merci Philippe pour ta réaction… !
😉