Alors que la création numérique mobilise des compétences artistiques mais aussi techniques, qu’elle est donc souvent le fruit d’une collaboration,
Alors que le copié-collé est désormais partie intégrante de cette création et aussi, comme on le sait, de sa diffusion,
Alors que l’œuvre numérique est par essence immatérielle, en perpétuel process, modifiable instantanément par un infime changement de code,
Alors que les possibilités d’interaction introduisent le spectateur comme acteur dans le processus d’actualisation de l’œuvre numérique,
Peut-on encore la considérer comme figeable, définitive œuvre d’un seul, est-elle encore copyrightable ?
On sait que certains répondent oui sans nuances et cherchent à se donner les moyens de se protéger (marché oblige ?), que d’autres réfléchissent à redéfinir l’auteur, et d’autres le mode de diffusion ( on se souvient des expériences de Radiohead et de Barbara Hendricks). Mais dans le cas des œuvres qui exploitent les possibilités du réseau, on peut avec certains artistes penser qu’en figeant un auteur et une œuvre, le copyright est un frein au travail collaboratif, un frein à la diffusion et au final un frein à la création. En adhérant à la philosophie du copyleft, des artistes se placent en phase avec les nouvelles possibilités de copie, de circulation et d’échanges offertes par le réseau.
Comme le jeu de mots le laisse deviner, le copyleft prend le contrepied du copyright. Il ne s’agit absolument pas de renoncer à sa propriété intellectuelle, il s’agit de permettre la copie (copy left), la modification, la transformation et l’utilisation en général de son travail par tous ceux qui le souhaitent. La condition essentielle est de conserver ces mêmes conditions à chaque diffusion en évitant l’appropriation et la marchandisation, le copyrightage si l’on peut dire, qui entrave la création et la diffusion des oeuvres. On retrouve là un fort cousinage avec le logiciel libre et certains contrats Creative Commons par exemple.
La licence Art libre permet d’exprimer cette copyleft_attitude. Aux premiers plans de ce mouvement, on trouve le désormais reconnu Antoine Moreau. Si vous voulez comprendre un certain esprit de cette copyleft_attitude, immergez-vous dans son site ou dans la page de L.L.de Mars qui lui est consacrée. Les œuvres diffusées sous cette licence sont aussi bien du domaine de la programmation que de celui de l’image ou bien sûr de la musique. (pour le clin d’oeil, « litanie contre DADVSI », une…litanie…de Bohwaz)
Intéressant débat que tu (ré)ouvres ici Marie. Cependant, je trouve que tu oublies une partie importante, et meme essentielle liée à cette discussion. La monétisation ! Comment gère t on des revenues avec une approche copyleft ? quelles sont les nouvelles sources de revenus que l’on peut inventer dans cette démarche. C’est là le vrai débat qui fait rage (puisqu’il touche au portefeuille de tous les protagonistes). Il n’y aura, à mon sens, aucune expansion du copyleft tant qu’il n’y aura pas de véritables propositions créatives et sérieuses de cash money making.
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Bon sujet en effet.
Ce que tout cela révèle, c’est l’attente d’une vraie transposition des approches types Creative Commons, d’autant plus que ces licences sont largement utilisées en France alors qu’il n’y a pas de véritable transposition et malgrès quelques initiatives comme CECIL pour les publications scientifiques.
Elle répondent pourtant très bien aux enjeux de monétisation, justement, en fixant un cadre clair de négociation des droits. Cela dit, c’est clair que ce n’est pas en concentrant son énergie avec des DADVSI et autres approches conservatrices de ce genre que l’on va avancer.
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Bonjour,
Alexis, les licences Creative Commons sont transposées dans de nombreux pays afin d’éliminer les risques d’incompatibilité avec les différents droits nationaux. Il existe depuis des années déjà des transpositions en droit français des principales licences Creative Commons, menées par le CERSA—CNRS. Je ne vois donc aucun problème de transposition.
Il y a des problèmes locaux et France et notamment dans d’autres pays d’Europe. Aux États-Unis, le groupe Nine Inch Nails a récemment pu distribuer son album Ghosts I-IV sous licence Creative Commons By-NC-SA (pas tout à fait équivalente de la philosophie «copyleft» incarnée par la Licence Art Libre par exemple, mais permettant déjà la diffusion non commerciale et la création d’œuvres dérivées). En France, pour la musique, la Sacem bloque ce genre d’initiatives pour les artistes qui en sont membres. Il faut dire que la Sacem est une vieille dame un peu conservatrice, et comme vous le dites ce n’est pas avec une approche conservatrice que l’on va avancer.
Quant à la question de la monétisation: euh, ben il est où le problème? Ça n’empêche pas de faire des concerts, de vendre des albums (cf. Radiohead — certes pas en copyleft — et NIN récemment), peut-être même au contraire (du moins c’est le pari des artistes qui font le choix de la musique libre). En France, les principaux problèmes que l’on a avec la monétisation sont:
1. Ceux liés aux diffusions par les médias et dans les lieux publics, où qu’on le veuille ou non il faut passer par la Sacem pour toucher quelque chose (ce qui ne signifie pas qu’en étant inscrit à la Sacem et en étant un peu diffusé, on touche forcément quelque chose… le système est très imparfait et dégoûte pas mal de petits artistes, et à vrai dire à moins de passer sur des grosses radios commerciales ou à la télévision il n’y a pas grand chose à espérer).
2. Ceux liés aux acteurs du marché tels que les producteurs et les labels qui bloquent psychologiquement sur ce genre de diffusion.
Donc un problème structurel et un problème de culture. Mais rien d’insurmontable ou de rédhibitoire.
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Oui,
il y a des transpositions (c’est pour cela que je citais CECIL), le problème c’est plutôt leur diffusion. Il est trop souvent fait référence à des licences non localisées et en anglais, ce qui constitue quand même un risque. On manque peut-être aussi un peu de jurisprudence.
Pour le reste, je suis entièrement d’accord pour dénoncer le conservatisme de certaines institutions clés. Cela n’aide pas à l’évolution des modèles économiques, en effet !
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Voir l’article de Chris Anderson dans Wired ( http://www.wired.com/techbiz/it/magazine/16-03/ff_free ) nous expliquant pourquoi (à son avis) le gratuit est l’avenir de l’économie ( http://www.internetactu.net/2008/03/10/la-gratuite-est-elle-lavenir-de-leconomie/
) et qui montre que l’idée du gratuit n’est pas qu’une utopie. Au delà de la valeur sociale et puisqu’on parle de monétisation, mettre des œuvres (au sens large) à disposition, les partager, n’implique pas que services, activités et produits dérivés ou même adossés ne puissent pas être créateurs de valeur. J’admets cependant qu’on est encore loin d’un système cohérent, mais nous sommes tous d’accord que construire des barrières aux possibilités d’échanges dans le réseau revient à entraver son développement, ses usages et au final son efficacité.
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