Pour quelques euros (on n’achète pas ici un service ni un outil, mais une œuvre d’art), il est possible depuis quelques jours de télécharger ce qui est présenté comme la première création artistique pour iPhone, « soi moi » de Nicole et Norbert Corsino, chercheurs et chorégraphes reconnus. Une série de chorégraphies met en scène une silhouette dans un décor sur lequel on peut agir en exploitant les possibilités de l’appareil… Spécialistes de l’étude du mouvement et des rapports entre corps, image, musique et texte, N+N Corsino immergent le spectateur dans des créations associant souvent réalité virtuelle et scénographie 3D. Leur site N+N donne un aperçu de la sensorialité et de la poésie de ces créations. (voir par exemple une de leur plus récente, seule avec le loup). Avant même cette première réalisation pour l’iPhone, dont on voit bien qu’il se place au cœur de la convergence numérique et étend les lieux de la création, de nombreux travaux pour Internet ont déjà été réalisés. Parmi les créations les plus intéressantes, on peut voir celles de Didier et Magali Mulleras, créateurs de « micrométrages » choré – graphiques interactifs, mini@tures, dès 1998. Leur étude du mouvement, du lien entre corps et image, a été poursuivie dans invisible puis dans 96 détails qui explore le lien entre corps dansé et corps représenté.
La danse contemporaine est certainement l’une des formes artistiques qui intègre le plus et peut-être le mieux les outils numériques qui permettent l’interaction entre le danseur, la musique et le spectateur. Depuis l’apparition sur scène de danseurs (-seuses) munis de capteurs puis de danseurs virtuels à partir des années 90, la réduction progressive des contraintes technologiques, le développement d’Internet et maintenant des terminaux mobiles ouvrent de nouveaux territoires à la création et multiplient l’espace des possibles. On pourra objecter que la création sur écran ne remplace pas la scène, qu’il s’agit d’une danse désincarnée, ce à quoi on répondra qu’il ne s’agit pas de remplacer mais d’étendre l’espace physique et mental dans lequel on (corps et esprit) se déplace. N+N Corsino et la compagnie Mulleras n’ont d’ailleurs pas abandonné l’espace physique et continuent à créer sur scène en relation avec leurs créations numériques. En dépouillant le geste de la chair, on n’en rend le mouvement que plus visible. notre attention se fixe sur lui plutôt que sur le corps comme c’est souvent le cas lors d’un spectacle vivant. Les questions de la représentation du mouvement, du rapport du corps à son image peuvent recevoir de nouvelles réponses. Il s’agit là pour la danse d’occuper ces nouveaux espaces et de conquérir de nouveaux imaginaires…