La Gaîté lyrique (enfin un espace institué dédié aux cultures numériques dans Paris) présente les travaux d’un artiste mexicain, Lozano-hemmer, par ailleurs connu pour d’amples réalisations en extérieur. Le mérite de ces travaux est de mettre en contact le public avec un art numérique souvent méconnu et encore peu reconnu. Dans nombre de commentaires, on souligne le caractère participatif, interactif d’œuvres dont l’actualisation dépend d’un tiers interacteur. C’est bien le moins, tant ces caractéristiques sont intrinsèques aux réalisations d’art numérique interactif. De ce point de vue, c’est réussi. L’expérience du corps comme construction interactive, processus désormais en cours jusque dans nos salons (WII, Kinect…), est ici révélatrice de la puissance de la technologie. Je pense par exemple à la réalisation qui place le corps dans le rôle d’un curseur réglant la fréquence et le volume de différentes stations de radio.
Je suis moins convaincue par le titre de l’expo, Trackers. En effet le tracking du tiers interacteur (vidéo, sonore, infra-rouge, électro-magnétique…) est une des bases de nombre d’installations interactives. On aurait donc pu mettre bien des travaux sous ce titre fourre-tout…Et s’il s’agissait de montrer que ces technologies utilisées sans contrôle permettent notre traque, cela fonctionne ; mais le propos ne m’a cependant pas semblé très fort. En effet, jamais la scénographie ne m’a placée en position de ressentir cette surveillance panoptique dont je pourrais faire l’objet, et qui est évoquée dans plusieurs commentaires. Il est vrai que pour Lozano-Hemmer il s’agit de montrer que ces technologies sont déjà parfaitement mondialisées et intégrées dans notre monde quotidien, loin d’un monde orwellien, donc. Tout cela amuse beaucoup les visiteurs et les inquiète sûrement beaucoup moins que leur première découverte de la reconnaissance faciale sur leur album Picasa ou que les 1222 pages amassées par Facebook sur un étudiant autrichien.(Max Schrems).
Deux autres aspects sont indirectement abordés en visitant cette expo. Qui est l’auteur de ces œuvres ? Les ingénieurs, les programmeurs, les artistes, les concepteurs, lozano-Hemmer lui-même ? On mesure les profondes interactions qui lient sciences, technologies et art ainsi que chacun des contributeurs à l’œuvre nulmérique. Enfin quelle forme de propriété et quelle pérennité pour ces travaux ?. Les notions de copie, de circulation, de droits d’auteur et de reproductibilité à terme questionnent le statut de l’œuvre numérique. Les intéressantes réponses de Lozano-Hemmer, trop longues à développer ici, sont parfaitement évoquées dans une interview donnée sur Artnet.
Au final, certains regretteront qu’il n’y ait pas davantage de poésie et/ou davantage de conviction dans le propos.. L’exposition n’en permet pas moins un accès facile à cette forme d’art numérique…jusqu’à Dimanche. A défaut, vous pouvez être guidé dans l’expo par Rafael.